LE PROJET PERSONNEL
Quelle que soit l'origine du projet de création, il est indispensable, pour lui donner un maximum de chances de réussir, de vérifier sa cohérence avec son projet personnel.
Les porteurs de projet négligent malheureusement trop souvent cette étape pour se concentrer uniquement sur la faisabilité économique, commerciale et juridique de leur projet.
C'est une erreur ! La maturation d'une idée doit impérativement tenir compte d'éléments plus personnels. Choisir de créer ne se résume pas à un choix de biens et de services à produire et à commercialiser, c'est aussi le choix d'un mode de vie particulier, qui doit être en cohérence avec les exigences du projet.
Vérifier cette cohérence suppose :
- de définir son projet personnel,
- d'analyser les contraintes et exigences inhérentes au projet et de s'assurer qu'elles peuvent être surmontées,
- de vérifier qu'il n'y a pas de contradictions et d'évaluer les écarts et les actions correctrices à mener.
+ Le bilan personnel
+ L'analyse de contraintes du projet
+ La cohérence homme / projet
Le bilan personnel
La réussite d'une entreprise ne dépend pas uniquement d'évènements extérieurs. Le développement du chiffre d'affaires, l'accroissement des parts de marché, l'apparition d'un bénéfice sont des événements économiques nécessaires à la pérennité de l'entreprise, mais non suffisants.
Deux questions sont alors primordiales :
- Quels sont mes contraintes et objectifs personnels ?
- Quelles compétences et aptitudes sont nécessaires pour mener à bien le projet ?
Les contraintes personnelles
En devenant chef d'entreprise, il va falloir passer d'une certaine situation personnelle à une autre, où, par nature, règnent l'imprévu et l'aléatoire. Il faut donc prendre en compte les caractéristiques de sa situation présente et vérifier leur compatibilité avec la situation engendrée par la création de l'entreprise.
- Pourrai-je dégager suffisamment de temps pour étudier et préparer correctement mon projet, compte tenu de ma situation actuelle ?
Créer en catastrophe conduit généralement à la catastrophe !
Une bonne préparation peut prendre entre six mois et deux ans et il est préférable de s'y consacrer pleinement.
- Mon entourage adhère-t-il au projet ? Cette adhésion est très importante, en particulier celle du conjoint, qui peut apporter une aide psychologique et matérielle en prenant en charge certaines tâches.
Ma famille sera-t-elle prête à faire certains sacrifices pendant la phase de démarrage de l'entreprise : déménagement éventuel, nouvelles conditions de vie familiale défavorables (moins de temps libre, moins de congés), baisse du niveau de vie ?
Si le projet n'est pas partagé par l'entourage, des tensions peuvent très vite se créer.
- Mes charges familiales sont-elles compatibles avec le projet ? Cette question sera primordiale, s'il n'est pas possible de bénéficier de l'apport par son conjoint d'un salaire régulier suffisant dans l'attente de la montée en puissance de l'entreprise, ou d'autres sources de revenus (fonciers par exemple).
- Mon apport financier personnel est-il suffisant pour chercher des financements complémentaires et convaincre des partenaires financiers ?
- L'entreprise pourra-t-elle générer, en temps voulu, le revenu minimal vital qui m'est nécessaire, compte tenu de mes charges financières actuelles : crédits personnels en cours, pension alimentaire, frais de scolarité élevés, ... ? Les revenus souhaités sont-ils réalistes par rapport aux potentialités de l'affaire ?
- Ma santé est-elle compatible avec les exigences du projet ? Notamment quand il faudra faire face à des périodes d'intense charge de travail... N'oublions pas que la création d'une entreprise est une source non négligeable de stress.
Les motivations et objectifs personnels
On ne crée pas une entreprise sans raison précise.
Les motivations ne sont pas toujours toutes clairement exprimées et certaines peuvent entraîner des déconvenues. Il faut donc se poser, en toute conscience, la question "Pourquoi est-ce que je souhaite créer ?"
Pour résoudre un problème personnel ?
Par goût des responsabilités ? Mais serai-je capable de prendre seul des décisions stratégiques ?
Pour concrétiser un rêve, une passion ?
Pour me réaliser, changer de vie ? Serai-je prêt à accepter un changement brutal (changement d'environnement, changement de rythme, ...) ?
Pour disposer d'un revenu immédiat ? Mais des décalages peuvent exister entre le démarrage de l'activité et les premières rentrées d'argent...
Pour exploiter une opportunité ? Si celle-ci me "tombe dessus", suis-je réellement fait pour la création d'entreprise si je n'ai jamais évoqué cette perspective auparavant ?
Pour augmenter mes revenus, mon patrimoine ? ...
Pour vivre un partenariat ? Mais avons-nous tous les mêmes motivations, la même idée de l'entreprise que nous voulons créer et de la place que nous souhaitons y occuper ?
Pour développer une entreprise et en faire, à terme, une entreprise importante ?
Pour mettre en pratique une idée qui m'obsède depuis un certain temps ?
Pour acquérir une indépendance ?
Pour atteindre une certaine position sociale ? Mais ai-je conscience des nouvelles obligations que je devrai supporter en contrepartie ?
Certaines raisons sont un gage de succès, car il s'agit de motifs impérieux pour lesquels on est prêt à tous les sacrifices.
D'autres motivations risquent au contraire de se révéler néfastes pour la bonne préparation du projet, car elles pousseront à monter l'entreprise - quoi qu'il arrive - sans tenir compte de la réalité.
Les compétences
Un porteur de projet doit posséder à la fois :
- une personnalité dont les traits les plus marquants seront, ou non, adaptés aux qualités qu'il est nécessaire de posséder pour mener à bien le projet.
Par exemple : un compagnon menuisier timide et introverti pourra difficilement se lancer seul en tant qu'artisan dans le métier de cuisiniste. En effet, le marché de la cuisine pour les particuliers est le théâtre de luttes âpres entre distributeurs ayant une force commerciale très agressive,
- un potentiel, c'est-à-dire une capacité personnelle d'action, de résistance physique, de solidité psychologique, d'entregent, de débrouillardise, de capacité à rebondir, ...
Cette capacité sera, ou non, suffisante pour faire face aux aléas du démarrage et de la conduite de l'entreprise.
Par exemple : un créateur souhaitant se lancer dans un projet nécessitant une présence active quotidienne de 12 heures, 6 jours par semaine, devra vérifier que sa santé le lui permettra.
- des connaissances et compétences techniques, commerciales, de gestionnaire qui s'avéreront adaptées ou manquantes pour les besoins du projet.
- une expérience : les activités antérieures, en particulier professionnelles, peuvent être un atout important si elles sont en relation avec le projet. Le professionnalisme est une condition de succès, de même qu'un tissu relationnel important dans le milieu concerné. A l'occasion d'une création, les connaissances et l'expérience acquises demandent, bien souvent, à être complétées par une formation adéquate.
L'analyse de contraintes du projet
A ce stade de la réflexion, on doit être en mesure de déterminer les contraintes inhérentes au projet, qui concernent :
- le produit ou la prestation : sa nature, ses caractéristiques, son processus de fabrication ou de mise sur le marché, ...
- le marché : celui-ci peut être nouveau, en décollage, en pleine maturité, en déclin, saturé, fermé, peu solvable, très éclaté, ...
- les moyens à mettre en oeuvre (les processus de fabrication, de commercialisation, de communication, de gestion, de service après vente, ...) peuvent entraîner des contraintes importantes,
- la législation : de l'existence des contraintes légales (accès à la profession, règlementation relative à la sécurité, ...) peuvent dépendre la faisabilité et la viabilité du projet
Un long travail de réflexion doit conduire à mettre en évidence ces contraintes (pour en prendre conscience), de considérer si elles sont surmontables, et de prévoir de mettre impérativement en regard les parades qui s'imposent.
La cohérence homme / projet
Les écarts entre le temps, l'organisation, les compétences nécessaires au projet et les atouts et compétences personnels vont permettre de prendre une décision :
passer à une seconde phase : le montage du projet d'entreprise,
- renoncer à un projet qui présente trop de risques,
- ou le différer pour chercher un complément de temps, de ressources financières ou de formation.
Dans ce dernier cas, des actions correctives doivent être envisagées en évaluant préalablement leur coût et leur délai. Selon les cas, il pourra s'agir par exemple :
- pour se donner du temps, de demander un congé création d'entreprise ou d'envisager une démission ou un travail à temps partiel,
- pour compléter ses ressources financières, de libérer quelques liquidités, de solliciter ses proches (famille et relations), ou encore de modifier certains objectifs du projet de manière à en abaisser le coût,
- pour accroître ses compétences, d'envisager une formation, de surveiller certains de ses défauts et de valoriser ses points forts, ou encore de rechercher des associés ayant une expérience et un savoir-faire complémentaires.