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  Les guéguerres des trottoirs et des chaussées
 
Les guéguerres des trottoirs et des chaussées

Mohamed SFA, Chercheur



Comme si «le commerce était la profession de tout ceux qui n’ont pas de profession», une multitude d’activités commerciales et de petits métiers se tiennent sur le domaine public en dehors de toute autorisation et sont, dans tous les cas, effectués par des personnes n’ayant pas le statut de commerçant.
En effet, ils sont des centaines à occuper la voie publique, à s’installer dans les rues commerçantes, à s’implanter devant et à l’intérieur des Kissariats, les devantures des magasins, les marchés et les centres de commerce.
De ce fait, tous les espaces constituant le domaine public sont illégalement et impunément exploités.
C’est encore pis, lorsqu’on constate que des Rues tout entières deviennent impraticables pour la circulation du fait de l’occupation totale de la chaussée et des trottoirs.
En outre, il est aisé à tout observateur de constater que ces pseudo commerçants ambulants offrent, par leur présence et leurs "commerces", un paysage défiguré présentant un vrai souk, ils laissent derrière eux des lieux dignes de décharges publiques.
Certes, les occupants ont choisi d’essayer d’exercer un «métier», ils ont pris l’initiative de se mettre à leur compte et ils ont le sens de l’entreprenariat. Ils sont chômeurs et pour la plupart diplômés et issus de familles pauvres. Ils auraient pu basculer dans le monde facile et dangereux de la criminalité. Ils auraient pu choisir de tenter d’affronter, à leurs risques et périls, les dangers d'immigrer clandestinement vers d’autres cieux. Ils ont quand même choisi de rester. On ne peut donc qu’applaudir leur courage et leur choix.
Mais.. mais ! apparemment ces activités, qui ne sont pas aussi ambulantes qu’on le pense, constituent une concurrence déloyale aux vrais commerçants, et ce en termes de chiffre d’affaires et de prix.
En effet, ces occupants (hommes et femmes de tous les âges…) s’approprient les espaces réservés aux piétons à qui ils proposent directement des produits du secteur informel (achetés sans factures, de contrebande, n’ayant pas transité par les marchés de gros pour payer les taxes, de contrefaçon….). Ils ne paient pas d’impôts ni de taxes non plus, pas de loyer, donc zéro charges… Ils se mettent facilement sur les axes stratégiquement commerçants. Ils occupent l’espace nécessaire pour étaler et proposer leur marchandise.
Il est donc vrai que les commerçants professionnels, ne disposant pas des mêmes avantages, sont lésés et incapables de défendre leur part de marché. Ils sont même directement gênés lorsqu’ils sont privés de leur clientèle qui ne peut accéder à des magasins assaillis et assiégés.
Ces activités concernent une multitude de marchandises, alimentaires ou non, et participent parfois à des transactions douteuses.
Pour les commerçants tenant des magasins : «les marchands à la sauvette nous ôtent le pain de la bouche, ils étalent leurs marchandises devant nos commerces et s’arrogent le droit de casser les prix».
Réponse du berger à la bergère : «C’est faux, si la plupart des clients préfèrent acheter nos produits, c’est parce que nos prix sont abordables».
Ce sont là deux avis contradictoires, mais la plupart des gens sont unanimes à penser que les prix pratiqués par les marchands ambulants sont plus accessibles. Ce qui est tout à fait normal dans la mesure où les ambulants bénéficient d’un avantage concurrentiel majeur : zéro charges.
Harcelant les gens au «corps à corps» et optant pour une offre quantitative et diversifiée, les marchands ambulants écoulent rapidement leurs produits sous le regard des commerçants devenus de simples spectateurs. Paniqués, les sédentaires assistent impuissants à la «guerre des trottoirs et des chaussées» que leur disputent, quotidiennement, les marchands ambulants qui revendiquent, eux aussi, une petite place… sur le trottoir.
La plupart de nos rues commerçantes, de nos marchés et kissariats vivent ces drôles de situations qui dérangent les propriétaires des lieux qui paient taxes, impôts et loyers. La lutte contre ces situations est difficile. Les forces de l’ordre préfèrent dissuader ponctuellement. Lorsqu’un commerçant se plaint d’une vente à la sauvette, il ne sait pas véritablement vers qui se tourner. Il ne peut naturellement intervenir lui-même contre cette concurrence sauvage.
Les pouvoirs publics, interpelés par des communiqués et des réclamations des syndicats des commerçants et appelés à chaque fois à la rescousse par des recommandations et propositions des chambres professionnelles, sont dans une situation embarrassante, ils sont entre le marteau du social (aspects négatifs socio-économiques qui ont conduit les jeunes à se convertir en vendeurs à la sauvette) et l’enclume du professionnel (situation de concurrence déloyale dont souffrent les commerçants).
En vérité, l’embarras c’est de ne pas se dire que le chômage ne doit en aucun cas servir de prétexte pour justifier la complaisance avec laquelle la situation de non droit est traitée. A notre sens, la situation mérite un tout autre traitement auquel contribuerait la mise en réseau de tous les partenaires concernés.
Dans tous les cas, le paysage piteux qu’offre nos trottoirs et nos rues commerçantes ne peut porter le nom de commerce ambulant qui constitue une activité bien réglementée.
Pour les autres guéguerres, entre les "marchands" ambulants et les automobilistes, entre les charrettes à chevaux et les taxis, les transporteurs de marchandises "Honda", les motos, les faux taxis dits Khattafa..., elles offrent d'autres situations piteuses.
 
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